Controverses du XIXème siècle
sur la «Propriété Intellectuelle»

 

Augustin-Charles Renouard, Du droit industriel dans son rapport avec les principes du droit civil sur les personnes et sur les choses, Guillaumin, Paris, 1860.

Origine : Bibliothèque Nationale de France

Ce traité de 1860, Du droit industriel dans son rapport avec les principes du droit civil sur les personnes et sur les choses, est l'aboutissement d'un projet commencé avec le Traité des Brevets d'Invention de 1825, et poursuivi, contre le thème de la «propriété littéraire», par la réflexion sur les droits d'auteur. Augustin Charles Renouard se refuse à penser le droit des auteurs ou des inventeurs comme une maîtrise souveraine, absolue, perpétuelle, comme une «propriété» donc, au sens de l'article 544 du code civil; ou même à penser ce droit comme une forme de propriété qui échapperait à cet article. Il préfère donc le définir conceptuellement comme une «réservation de jouissance», ce qui donne naissance à une nouvelle branche du droit, le droit industriel. Ses travaux antérieurs sont alors resitués dans un projet plus vaste de discussion et de reconceptualisation des catégories du droit, trouvant ici leur unité.

Le droit industriel correspond à un champ particulier, celui de la production et des échanges. C'est un prolongement du droit civil des biens (avec la propriété et les obligations), qui comprend le droit des auteurs et des inventeurs en particulier, mais aussi le droit commercial, et ce que l'on désignera plus tard par droit du travail. Renouard distingue alors deux domaines différents : le «domaine matériel», où les droits ont pour objet des objets matériels, et le «domaine immatériel», qui est le monde des idées. Dans le domaine matériel, certaines choses sont appropriables; on a donc un «domaine matériel approprié», où typiquement se déploie la propriété, la maîtrise souveraine au sens de l'article 544. D'autres choses matérielles ne sont pas cependant appropriables (les res communes); Renouard parle alors d'un «domaine matériel universel». Il y a aussi symétriquement un «domaine immatériel universel», totalement produit par les hommes, qui est une «propriété indivise de l'entière communauté humaine»; mais Renouard ne parle pas d'un «domaine immatériel approprié»; il utilise plutôt les termes de «domaine privilégié» ou «domaine réservé».

Cet évitement est significatif, signifiant que l'appropriation des biens immatériels ne se conçoit pas comme celle des biens matériels. Il y a bien pourtant un droit qui organise une certaine appropriation privative des œuvres, mais cette appropriation, selon le terme de Renouard, est «fictive», c'est-à-dire complètement différente de celle de l'article 544, car créée de toutes pièces parla loi, sur le mode du monopole ou du privilège accordé. La figure de la dette infinie explique alors que ce privilège ne peut être que temporaire. Le public doit payer le service rendu par les auteurs, mais ceux-ci sont toujours redevables aux générations antérieures, aux auteurs qui les ont précédés, etc.

Notice provisoire :

Pour une analyse plus détaillée, voir Mikhaïl Xifaras, La propriété, étude de philosophie du droit, 2004, et plus particulièrement la troisième partie.

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[*]  Pour faciliter le téléchargement, l'archive a été coupée en quatre :
  1 : Première partie «Du droit industriel dans ses rapports avec la législation générale» et deuxième partie «Du droit industriel dans ses rapports avec les personnes», jusqu'à la fin du livre 1;
  2 : Deuxième partie, le livre 2 «Des personnes collectives»;
  3 : Troisième partie «Du droit industriel dans ses rapports avec le domaine humain», le livre 1 «Domaine universel» et le livre 2 «Du domaine approprié ou de la propriété»;
  4 : Troisième partie, le livre 3 «Du domaine privilégié».