Controverses du XIXème siècle
sur la «Propriété Intellectuelle»

 

Frédéric PASSY

Economiste, homme politique, pacifiste.

Né à Paris le 20 mai 1822, ce fils d'un conseiller maître à la Cour des Comptes est neveu de deux hommes politiques, Antoine et Hippolyte Passy, tous deux membres de l'Institut.

Licencié en droit, il devient avocat, puis auditeur au Conseil d'Etat (1846).

Il en sort en 1848 et se consacre alors à l'économie politique, collaborant à la Revue Contemporaine, au Journal des Economistes, au Correspondant. Parallèlement, à partir de 1860, il donne des cours et des conférences sur l'économie politique dans les grandes villes du sud de la France (Montpellier, Bordeaux, Nice) et à Paris.

Il a en particulier publié : Mélanges économiques (1868), La démocratie et l’instruction (1864), De la propriété intellectuelle, De l'enseignement obligatoire (1869), De la souveraineté temporelle des papes (1860), La question des octrois (1866), Les machines et leur influence sur le développement de l’humanité (1866), La guerre et la paix (1867), L’histoire du travail (1873), Communauté et communisme (1869),...

En 1867, au moment de l'affaire du Luxembourg[1], il provoque la fondation de la Ligue internationale et permanente de la paix, avec Arlès Dufour, Michel Chevalier, Jean Dolfus, Martin Paschoud, qui deviendra plus tard en 1870 la Société française pour l'arbitrage entre les nations, dont il est le président. Il a également fondé et présidé la Société pour la propagation de l'instruction parmi les femmes.

En 1877, il est reçu membre de l'Académie des Scienes Morales et Politiques, en remplacement de Wolowski.

Candidat républicain aux élections législatives de 1881, dans le VIIIe arrondissement de Paris, il est élu, après ballotage, devant le député sortant, un candidat bonapartiste appelé Godelle. Il siège alors au centre gauche et prend une part active aux discussions sur toutes les questions économiques et financières, défendant en particulier les doctrines du libre échange et demandant la suppression des octrois. Réélu aux élections de 1885 (sur la liste républicaine unique, dite de conciliation), il combat, lors de la discussion des crédits pour le Tonkin, Jules Ferry et la continuation de la politique coloniale. Il vote aussi pour les poursuites contre le général Boulanger, contre le projet Lisbonne restrictif de la liberté de la presse; il fait voter une loi sur les accidents du travail, dépose une proposition de résolution pour l'arbitrage en matière de conflits internationaux, etc. Il défend par ailleurs des positions résolument modernes sur le rôle des femmes et, avec Victor Hugo, prône l’abolition de la peine de mort. Aux élections de 1889, de nouveau candidat dans le VIIIe arrondissement de Paris, il est battu par le candidat bonapartiste; et par la suite, ne réussira pas à se faire élire aux sénatoriales. Il reste cependant élu au Conseil général de Seine-et-Oise (canton de St-Germain-en-Laye).

Dans cette période où il est parlementaire, Frédéric Passy jette les bases avec l'anglais William Randal Cremer de l'Union interparlementaire pour l'arbitrage et la paix[2]. Il partage d'ailleurs avec Henri Dunant le premier prix Nobel de la paix, créé en 1901.

Il meurt en 1912 à 90 ans.

 

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[1] Après Sadowa, en 1867, Napoléon III tente d'annexer le duché du Luxembourg, mais Bismarck finit par refuser. La situation est alors tendue. L'antagonisme entre les deux pays étant au maximum, on est proche de la guerre. Et c'est dans cette situation que Frédéric Passy et d'autres vont mobiliser l'opinion publique pour faire pression sur le gouvernement impérial et faire échouer l'affaire du Luxembourg.

[2] L'action de Frédéric Passy s'inscrit dans la tradition du pacifisme juridique, dont les origines remontent au XVIIIème siècle (l'abbé de Saint-Pierre et Emmanuel Kant), un courant pacifiste qui considère que la paix peut être obtenue par recours au droit, et par la fixation de règles et mécanismes juridiques permettant de prévenir et régler les conflits. Ces idées et ces principes se développeront, en particulier en France, dans le courant du XIXème siècle, ce qui conduira entre autres à la première conférence de La Haye (1889), avec apparition de la Cour permanente d'arbitrage, toujours en activité. Les mêmes principes devaient inspirer plus tard la SDN (1919), et l'ONU.

 

Sources : Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains,... (1893) et Curinier, Dictionnaire national des contemporains,... (1901-1918), etc.